Chloroquine : tout savoir sur le traitement qui fait polémique
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Depuis l’évocation de cette molécule, on la pare de toutes les propriétés. Elle pourrait être la solution au Covid-19. Cette pandémie ayant déjà fait des milliers de morts de par le monde, les médecins cherchent un antivirus à sa mesure ? La chloroquine est-elle la solution ?
Covid-19 : résumé de la situation
Apparu en décembre 2019 en Chine, le Coronavirus ; bientôt rebaptisé Covid-19 ; est un virus virulent et extrêmement contagieux qui fait de nombreuses victimes. Le virus atteint rapidement l’Europe en début d’année. Après quelques décès, l’inquiétude grandit quant au phénomène : peut-on parler de pandémie ? Ce doute est bientôt confirmé et les gouvernements prennent des décisions drastiques, pour limiter la contamination, dès le 11 mars 2020. On demande à la population, dans un premier temps, de procéder à des gestes simples : se laver les mains fréquemment, éviter les lieux où se trouvent de nombreuses personnes, porter un masque en cas de doute.
Force est de constater que cela ne suffit pas : les cas se multiplient. Les personnes dépistées se comptent par milliers et le taux de mortalité explose. Si l’on pense dans un premier temps que seules les personnes âgées sont victimes du virus, la typologie des victimes démontre que tout le monde peut être touché. A la date du 16 mars 2020, en France, un confinement total est préconisé, lors d’un communiqué présidentiel. Les sorties ne doivent se faire que pour des motifs impérieux (acheter de la nourriture, se soigner). Il faut présenter une attestation de sortie aux autorités en cas de contrôle.
Les amendes, du fait de l’irresponsabilité de certains peuvent aller de 135 euros jusqu’à la prison. A la date du 24 mars en France, on dépassait les 860 décès, avec plus de 15 000 personnes infectées par le Covid-19. Les signes avant-coureurs varient selon les individus. Il est possible d’avoir un peu de fièvre, une toux sèche, quelquefois des diarrhées. Certaines personnes infectées disent avoir perdu le sens de l’odorat et le goût. En cas de symptômes, il est préférable de rester confiné chez soi. La maladie peut passer d’elle-même, au bout de quelques jours. Il est pourtant impératif d’appeler le 15, si l’on sent une gêne respiratoire importante.
Le corps médical, confronté à cette pandémie cherche des traitements possibles. Il faut dans un premier temps arriver à déterminer quel est ce type de virus et ce à quoi il peut réagir. Pour cela, de nombreux tests sont effectués, un peu partout dans l’hexagone.
Qu’est-ce que la chloroquine ?
De la famille des amino-4 quinoléines, la chloroquine contient de la pyridine et du benzène. Les produits quinoléines ont été employés pour la première fois en 1834, en les extrayant notamment du goudron de houille. Quelques années plus tard, un autre de ses dérivés, la quinine fait son apparition.
La chloroquine est souvent utilisée comme traitement préventif ou curatif pour le paludisme, que l’on connait encore sous le nom de malaria. Cette maladie infectieuse est souvent transmise par des piqures de moustiques, dans certains pays tropicaux. Elle cause d’importants accès de fièvre, notamment. Les voyageurs en prennent donc souvent, en prévention, lorsqu’ils se rendent dans des pays chauds. La prise de ce traitement est notamment facilitée par le fait qu’il s’agit de comprimés à prendre par voie orale.
Mais ce n’est pas là son seul usage. Alors qu’il était auparavant possible de se soigner soi-même avec de la chloroquinine (son autre nom), les effets secondaires possibles étaient trop graves, pour que ce traitement puisse continuer à être pris en auto médication. Pour que le traitement puisse être pris à plus haute dose, on a rajouté un groupe d’hydroxyle (atome d’hydrogène et d’oxygène mélangés) à chaque bout de la chaine chimique de la HCQ. L’hydroxychloroquine est née. Elle est mieux supportée par les patients et son dosage peut être vu en fonction des personnes et de la maladie à traiter.
Les noms commerciaux sont entre autres le Plaquenil, le Quensyl ou encore le Dolquine. Cette transformation lui a permis également d’apporter un soulagement aux personnes qui étaient atteintes de lucite ; une forme d’allergie au soleil. Les personnes souffrant du lupus ou de polyarthrite rhumatoïde ont, en effet, pu ressentir un mieux-être, en étant soignés par la chloroquine dérivée. Mais par contre, elle n’agit pas sur le paludisme. La chloroquine a un effet anti-inflammatoire. Ces maladies que l’on dit auto-immunes peuvent présenter certaines ressemblances avec le coronavirus. Les patients atteints ressentent une grande fatigue, de la fièvre, une atteinte pulmonaire, dans les cas les plus graves.
Chloroquine : posologie
Ces comprimés s’administrent de façon orale, à la fin des repas du matin et du midi. Outre qu’ils peuvent occasionner des problèmes digestifs, ils ont également une action sur la qualité du sommeil. Il est donc déconseillé de les prendre le soir. Comme tout médicament, il est important de faire un état des lieux préalable des traitements et antécédents du malade, pour éviter toute interaction malheureuse. Le nombre de comprimés et le temps du traitement peuvent varier en fonction des individus mais aussi des pathologies.
Les contre-indications sont les suivantes : Il n’est pas possible de prendre de la chloroquine si l’on est enceinte ou allaitante. Ce ne sont là pas tant des malformations qui sont à craindre, mais une mutation dans l’ADN du fœtus. Les enfants de moins de 6 ans ne peuvent pas en prendre non plus. Enfin, si le patient présente en plus une maladie de la rétine, il lui sera impossible de prendre de la chloroquine.
Quels sont les effets secondaires possibles ?
La chloroquine, comme tout traitement, peut présenter des effets indésirables ; plus ou moins graves selon les personnes. Il faut dans un premier temps expliquer que la chloroquine non modifiée présente un seuil de toxicité qui équivaut quasiment à la dose thérapeutique qui peut être prescrite. Selon la sensibilité de chacun, elle peut donc donner des effets indésirables qui seront mineurs et passagers. Certaines personnes peuvent présenter des épisodes de diarrhées ou de vomissements. Il est possible de présenter des troubles ressemblant à un état dépressif et anxieux, agissant sur la qualité du sommeil. Les personnes faisant du diabète sont appelées à être vigilantes, car elles peuvent développer des épisodes d’hypoglycémie. On peut encore parler de maux de tête ou encore de démangeaisons.
D’autres personnes, au contraire, seront tout à fait intolérantes au traitement, en développant des troubles cardiovasculaires. Les décès peuvent même être possibles. Tout serait, comme l’affirmaient des chercheurs toulousains, lors d’une étude effectuée en 2004, une affaire de dosage et de cas par cas. Car même la dose thérapeutique et non le surdosage, en fonction des personnes, peut avoir des conséquences graves. En cas de pandémie, malheureusement, quand on affronte un ennemi invisible, il faut tâtonner, en essayant différentes molécules, pour trouver un traitement. Comme tous ceux déjà présents sur le marché, pour d’autres maladies, ils ne fonctionnent pas tous à 100%.
Le fait de proposer de l’hydroxychloroquine est donc une première avancée, pour diminuer le taux de toxicité. Est-ce que cela suffit pour en faire un traitement adapté, pour toutes les personnes touchées par le Covid-19 ?
La chloroquine peut-elle aider les médecins dans le cadre du Covid-19 ?
A ce jour, les médecins testent 4 traitements expérimentaux sur des patients touchés par la maladie. A Marseille, le Professeur Raoult, qui dirige l’Institut Méditerranée Infection a essayé l’hydroxychloroquine sur 24 patients, avec des résultats prometteurs. Pour cet infectiologue de renom, il n’y a pas à hésiter. Les trois quarts des patients, soumis à ce traitement, à raison de 600 mg par jour, ne présentent plus de trace du virus, au bout de 6 jours de traitement. La charge virale au fil du traitement, tend à se réduire, puis à disparaître. Le niveau de concentration dans le sang se fait très rapidement. Les cas les plus lents étant évalués à 6 heures, après l’absorption. L’idéal, selon le médecin, serait d’associer le traitement à un antibiotique de la famille des macrolides, que l’on prescrit, en cas de problèmes bronchiques.
Ce qu’il est important de comprendre, c’est que ce traitement ne soigne pas le virus, mais les cellules qu’il a pu infecter dans le corps. Mieux, il se mettrait « entre » le virus et les cellules saines, qui seraient alors immunisées. On repense alors à son utilisation première, en prévention contre le paludisme. Il est impératif, quand les personnes partent en voyage, de commencer le traitement le jour du départ et de le poursuivre, pendant un mois, après le retour. Même si elles sont « attaquées » par l’affection, le traitement repousse les parasites. On retrouverait cette même action sur le Covid-19.
Afin de limiter les effets indésirables, on peut s’apercevoir que ce n’est pas la chloroquine en tant que telle qui a été utilisée, mais bien l’hydroxychloroquine. Même si ces débuts sont encourageants, il est encore difficile de se laisser aller à l’enthousiasme. En effet, 24 patients n’est pas un nombre suffisant pour démontrer l’efficacité d’un traitement, notamment dans le cadre de l’expérimentation. Le virus a bien disparu, mais peut-on dire pour autant que les patients sont guéris ? N’y a-t-il aucun risque de récidive ? Tant qu’aucune parution sur le sujet n’est effective dans la communauté médicale, tout reste encore à prouver au niveau de l’hydroxychloroquine.
Que montrent les dernières études ?
Ce qui inquiète le corps médical, ce sont les effets secondaires latents, pour l’organisme. Car le médicament, s’il est prescrit à haute dose est toxique. Le rythme cardiaque peut être impacté. Tel qu’il a été administré par le Professeur Raoult ; c’est-à-dire en l’associant avec de l’azithromycine, il peut présenter un danger. C’est ce qui contrarie en partie les hautes instances médicales. Car il est prouvé que certains macrolides interagissent de façon négative avec la chloroquine, dans certains cas. Le patient peut également être sujet à une rétinopathie. Les nerfs de la rétine sont attaqués avec pour conséquence, pour le malade, une possible cécité.
Pourquoi le Professeur Raoult a voulu tenter ce traitement ?
Tout simplement car c’est notamment comme cela que le virus a été « contenu » en Chine. Expérimenté, là-bas sur une centaine de patients, les médecins chinois espéraient surtout, en l’utilisant, qu’il améliorerait l’état des poumons des patients dans un état grave. Ce qui a été le cas. De nombreuses personnes ont survécu alors qu’il leur était extrêmement difficile de respirer par eux-mêmes. Comment expliquer un tel phénomène ?
Tout simplement, parce que la molécule stoppe le virus. Il ne peut pas se répliquer dans l’ensemble des cellules du corps et donc, ne peut pas se propager dans l’organisme. Il serait donc à prendre au début de l’infection, dès le diagnostic posé. Des études cliniques chinoises, établies dans une dizaine d’hôpitaux du pays ont toutes confirmé l’efficacité et la bonne tolérance du traitement sur de nombreux malades.
Faut-il prendre de la chloroquine, si l’on se sent malade ?
Pour autant, même si vous possédez ce médicament chez vous, il est tout à fait inutile, voire dangereux d’en prendre. Comme nous l’avons vu, dans un précédent paragraphe, c’est l’hydroxychloroquine qui peut avoir un effet bénéfique et non la chloroquine pure. Ensuite, il est impossible de prévoir les effets que le traitement pourrait avoir sur votre organisme. Ce traitement ne peut, en outre, être délivré que sur prescription médicale depuis le 20 janvier dernier, vous ne le trouverez plus en libre-service, dans votre pharmacie.
Depuis que le nom de ce possible traitement a été évoqué, on assiste déjà à des dérives. Or, ce traitement, avant d’être un médicament possible pour traiter le Covid-19, sert avant tout à traiter 40 000 personnes souffrant de lupus en France, plus toutes celles ayant une polyarthrite rhumatoïde.
Il faut que ces patients puissent continuer à avoir leur dose quotidienne (quelquefois deux comprimés par jour), qui les empêche d’éprouver des douleurs intenses. Les laboratoires veulent à cet effet se montrer rassurants : que ce soit pour les maladies déjà identifiées et pour lesquelles la chloroquine a des effets positifs ou pour le Covid-19, les stocks pourraient permettre de soigner tout le monde.
Que penser de la prescription de la chloroquine aux malades du Covid-19 ?
Il faut attendre que le Haut Conseil de Santé Publique soit convaincu de l’efficacité de cette molécule, pour le vouer à guérir le Covid-19. Auquel cas, il bénéficiera d’une officielle autorisation de mise en marché, dans ce sens. Même au regard des études chinoises et des tests effectués à Marseille, il faut plus de cas, d’un point de vue méthodologique, pour valider ou non l’efficacité d’un traitement. Si jamais le Plaquenil devait être une réponse sûre pour le coronavirus, les stocks déjà disponibles pourraient donc sans problème permettre de soigner la population selon le ministre de la santé.
En plein état d’urgence, certains médecins n’ont pas attendu sagement l’autorisation, pour tenter de sauver la vie de leurs patients. Ce traitement a été prescrit dès la pose du diagnostic, notamment pour les personnes âgées, avec l’aval des familles. Pourtant, ce sont là des cas anecdotiques ; car le profil des personnes le nécessitait. L’octroi du traitement ne se ferait que sur des cas graves et non dès les premiers signes de la maladie, pour limiter les effets indésirables et la durée de traitement notamment.
La chloroquine, même si elle a porté ses fruits pour certains malades n’est pas le seul traitement qui est en train de faire l’objet d’études et de tests. Sans doute que les personnes qui seraient intolérantes à la molécule, pourraient trouver dans d’autres, des solutions, en cas d’infection. C’est pour cela que les chercheurs et les médecins travaillent sans relâche, depuis l’apparition de la maladie.
Faut-il autoriser la prise de chloroquine ?
Pour l’infectiologue, cela relève de l’hérésie : la France est en état d’urgence et il ne faut pas attendre que les personnes présentant des troubles mineurs, sombrent dans l’inconscience, avant de pouvoir bénéficier de soins ! C’est pour cette raison qu’il administre le traitement à toutes les personnes infectées, même si les symptômes sont peu développés, mais que le test du coronavirus a été positif. Même si ce médecin ne respecte pas l’AMM, l’équipe marseillaise n’est pourtant pas hors-la-loi, puisque la chloroquine est un médicament qui existe déjà. On parle plus dans ce cadre, d’éthique.
Or, en tentant de sauver des vies, dans un contexte sanitaire compliqué, le médecin suit le serment d’Hippocrate. Il fait d’ailleurs l’objet d’un encadrement très strict. Il lui faut avoir l’aval du patient (ou de sa famille, si la personne est en état d’inconscience). Le traitement ne fera pas l’objet d’un remboursement par la Sécurité Sociale. Enfin, en cas de décès du patient, le médecin peut se voir porter devant les tribunaux, pour usage inapproprié d’un médicament. Sa responsabilité, en tant que professionnel de la médecine est engagée. Le Pr Raoult agit en fonction de sa conscience et de son engagement envers ses patients.
Pourquoi faut-il tant de temps, si l’on voit que la chloroquine peut guérir ?
Tout simplement parce qu’il faut que l’effet soit prouvé sur un nombre important de patients. Ceux qui ont été sauvés avaient peut-être une forme particulière de la maladie. Peut-être que leur profil s’y prêtait ; ce qui ne serait sans doute pas le cas d’autres personnes. Avancer que la chloroquine est un médicament miracle semble donc audacieux, prématuré et porteur, sans doute, de faux espoirs.
C’est pour lutter contre cela que l’Organisation Mondiale de la Santé tente de tempérer les ardeurs des défenseurs de ce produit et que les tests continuent pour trouver d’autres moyens de combattre le virus, afin de maximiser les chances de la population toute entière. En France, le Ministre de la Santé, fort de ces conseils et des résultats a ordonné que la chloroquine soit administrée sur 800 français, dans le cadre de l’essai Discovery. Il semble en effet que si la chloroquine soignait le Covid-19 de façon effective, nous serions en face d’une découverte majeure pour enrayer l’épidémie.
Sources bibliographiques
? Choloroquine | Wikipedia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Chloroquine
? La chloroquine testée par la France contre le coronavirus | Dossier Familial
https://www.dossierfamilial.com/actualites/social-sante/la-chloroquine-testee-par-la-france-contre-le-coronavirus-432811
? Les intoxications aiguës à la chloroquine : aspects cliniques et analytiques | Annales de Toxicologie Analytique, vol. XVTI, 2005
https://www.ata-journal.org/articles/ata/pdf/2005/02/ata2005204.pdf